En rejetant l’idée de compensations financières pour l’esclavage, le président français fait, selon des associations, montre de son peu d’empressement à honorer certains de ses engagements de campagne formulés en direction de l’outre-mer.

En excluant catégoriquement, vendredi 10 mai, toute réparation matérielle de l’esclavage, François Hollande a provoqué la déception de plusieurs associations réclamant des compensations "morales et financières" pour les ravages causés par la traite négrière.


Lors d’une cérémonie organisée dans les jardins du Luxembourg, à Paris, à l’occasion de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions, le président français s’en est remis au poète antillais Aimé Césaire, dont le centenaire de la naissance sera célébré cette année. "Il y aurait une note à payer et ensuite ce serait fini ? Non ! Ce ne sera jamais réglé", a lancé le chef de l'État en citant le défunt homme de lettres martiniquais pour qui la réparation était "impossible".
"Les gens qui volent n’aiment pas qu’on les accuse et encore moins qu’on leur demande de rendre ce qu’ils ont pris, a déploré sur le plateau de FRANCE 24 Louis-Georges Tin, dont l’association qu’il préside, le Conseil représentatif des associations noires (Cran), a déposé plainte, vendredi, contre la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Selon l’organisation, ce bras financier de l’État français aurait encaissé l’équivalent de 21 milliards de dollars versés au XIXe siècle par Haïti en contrepartie de son indépendance, en 1804.
Un débat qui "n'a pas de sens"

"Nous avons rencontré en octobre 2012 le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, qui s’était engagé à mettre en acte une politique de réparation, rappelle Louis-Georges Tin. Aujourd’hui, cette promesse est bafouée et c’est pour cela que nous avons décidé de régler ce problème politique devant les tribunaux."
L’initiative du Cran est cependant loin de faire l’unanimité au sein du milieu associatif. Pour l'historien Pascal Blanchard, ce débat "n'a aucun sens". Parler de réparations financières avant d'avoir effectué le travail de mémoire revient "à demander l'addition avant même d'avoir commencé à manger ensemble", a affirmé à l'AFP ce spécialiste de la colonisation.
"Il y a mille et une façons de réparer les choses, insiste toutefois Louis-Georges Tin. Le musée de l’esclavage serait, par exemple, une réparation morale. Nous le voulons, François Hollande s’y refuse." Dans son discours, ce dernier a néanmoins pris soin d’annoncer que l'État apporterait sa "contribution" au "projet emblématique" de "Mémorial ACTe" à Pointe-à-Pitre. Jusqu'alors porté par la région Guadeloupe, fief de son ministre des Outre-mer, Victorin Lurel, ce musée, dont le coût est estimé à 70 millions d'euros, sera "le centre d'expression sur la traite et l'esclavage le plus important au monde", a garanti le chef de l'État.
La notion de "race" reste inscrite dans la Constitution




Malgré cette annonce, d'aucuns reprochent au président son peu d’empressement à honorer certaines de ces promesses de campagne formulées en direction de l’électorat de l’outre-mer. Alors candidat à l’Élysée, François Hollande s’était en effet engagé à faire supprimer le mot "race" de la Constitution. "Il n’y a pas de place dans la République pour la race. Et c’est pourquoi je demanderai, au lendemain de la présidentielle, au Parlement de supprimer le mot ‘race’ de notre Constitution", avait déclaré le socialiste deux mois avant d’accéder à la présidence, rappelle "Le Parisien".
Or cette modification ne sera pas inscrite dans le premier train de réformes constitutionnelles soumises aux parlementaires en juillet prochain à Versailles. Bien qu’elle assure ne pas vouloir enterrer cet engagement, la présidence semble vouloir se consacrer à d’autres sujets comme celui de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Quelque peu pris de court par le mouvement anti-mariage pour tous, le gouvernement ferait bien l’économie d’un nouveau débat de société susceptible de déchaîner les passions.