Le compte à rebours est lancé. La décision de la Commission européenne de taxer temporairement les importations de panneaux solaires chinois à hauteur de 47 % d’ici le 6 juin a déclenché un bras de fer commercial entre une Union européenne (UE) en plein marasme économique et son deuxième partenaire commercial.
La réaction de Pékin ne s’est pas fait attendre. La Chine a annoncé, vendredi, une enquête anti-dumping sur les tubes sans soudure importés de l’UE, des ةtats-Unis, et du Japon après avoir dénoncé le "signal négatif d’un retour au protectionnisme". Une manière diplomatique de dire que Bruxelles a déterré la hache de guerre commerciale.
Subventions illicites
Le commissaire européen au Commerce, Karel de Gucht, a rejeté les accusations de protectionnisme en s’appuyant sur les premiers éléments de la plus vaste enquête jamais menée par ses services sur des pratiques anti-concurrentielles. Le relèvement des tarifs douaniers est ainsi présenté comme une réponse aux diverses subventions illicites dont aurait bénéficié l’industrie solaire chinoise.
Objectif avoué : desserrer l’étau chinois sur l’industrie photovoltaïque du Vieux Continent. Les producteurs européens, à l’origine de l’enquête de la Commission, affirment que leurs homologues chinois ont submergé 80 % du marché européen en vendant à perte leurs panneaux solaires.
Protectionnisme solaire
Cette passe d’armes au sommet intervient alors que plusieurs politiciens, notamment en France, souhaitent voir l’UE ériger des barrières douanières afin de ralentir la désindustrialisation du Vieux Continent. En apparence, le relèvement des tarifs douaniers bénéficierait donc d’un large soutien, des socialistes favorables à un protectionnisme ciblé aux économistes libéraux de la Commission européenne convaincus de la concurrence déloyale des entreprises chinoises.
"Il y a fort à parier que l’annonce de cette taxe est d’abord destinée à durcir le ton pour satisfaire les opinions publiques sur un sujet populaire, celui des énergies renouvelables", affirme ainsi André Joffre, président de Tecsol, un bureau d’études indépendant spécialisé dans l’énergie solaire.
Marché étouffé
Mais le relèvement des tarifs douaniers est en réalité loin de faire l’unanimité en Europe. Si à l'avenir, cette mesure offre aux producteurs européens de panneaux solaires un ballon d’oxygène, les entreprises impliquées dans la vente d’installations solaires craignent au contraire un renchérissement du photovoltaïque particulièrement dangereux en raison de la conjoncture.


"En France, les entreprises doivent déjà faire face à la baisse du tarif d’achat d’EDF – baisse qui était justement justifiée par la diminution du prix des panneaux solaires. La question qu’il faut se poser, c’est de savoir s’il y aura encore un marché si les prix des panneaux solaires augmentent alors que le tarif du prix d’achat EDF diminue", affirme le président de Tecsol.
L’Allemagne, qui exporte vers la Chine nombre de machines-outils utilisées dans la production de panneaux solaires, aurait également beaucoup à perdre dans une véritable guerre commerciale avec Pékin. Le jour même où Bruxelles annonçait son projet de taxe à 47 %, les ministres allemand et français de l’environnement plaidaient ensemble pour une "solution politique" avec la Chine.
Négociations au bord du gouffre
Le coup de menton de la Commission européenne et les premières mesures de rétorsion chinoise s’apparentent ainsi davantage à des moyens de pression visant à faire fléchir l’adversaire qu’à une véritable déclaration de guerre commerciale.
"La Chine a déjà un peu levé le pied sur son soutien à son industrie solaire et tout laisse à penser que les deux parties vont mettre un peu d’eau dans leur vin", affirme ainsi le président de Tecsol.
Une issue négociée qu’espèrent de nombreux acteurs du secteur photovoltaïque car les discussions se déroulent au bord d’un véritable gouffre financier : moribond en Europe, le secteur photovoltaïque chinois est lui aussi menacé par une sévère crise de surproduction.