Et si les difficultés de l’Éducation nationale ne relevaient en fait pas de soucis budgétaires mais humains ? C’est ce qu’écrit noir sur blanc la Cour des comptes dans un rapport intitulé "Gérer les enseignants autrement", publié ce mercredi.
Selon elle, en effet, la baisse des résultats des élèves et la crise de vocation des enseignants sont davantage à mettre sur le compte d'une mauvaise gestion des professeurs que d'un manque de moyens. La Cour prône donc une "réforme d'ensemble" pour enrayer les "multiples dysfonctionnements" de l’Éducation nationale. En clair : ce n’est pas le nombre d’enseignants en France qui pose problème, mais la manière dont ils sont utilisés.
"Le problème n'est pas celui du nombre d'enseignants ou d'une insuffisance des moyens" budgétaires : […] la création prévue de 60 000 postes en cinq ans "[est] vaine si elle se [fait] à règles de gestion inchangées", juge encore la Cour.
Pis, pour Didier Migaud, son premier président, ne pas changer ces règles, c’est participer à la "dégradation des performances du système scolaire". La France est au 18e rang (sur 34) des pays membres de l'OCDE pour la performance de ses élèves. L'impact de leur origine sociale sur leurs résultats est d’ailleurs deux fois plus important que dans les pays qui réussissent le mieux.
Le système scolaire actuel "ne parvient pas davantage à répondre aux attentes des enseignants", a ajouté Didier Migaud lors d'une conférence de presse, rappelant que "la France connaît un profond malaise enseignant et une inquiétante crise d'attractivité du métier".
La Cour a donc énuméré toute une série de recommandations pour "redéfinir" le métier d'enseignant, de la revalorisation salariale en passant par les règles de mutation des professeurs.
Revalorisation salariale
Dans le détail, elle préconise ainsi de "mieux valoriser" les enseignants recrutés à Bac+5. "Cela passe par la formation, le déroulement des carrières, les conditions de travail et la rémunération", a continué le premier président de la Cour. Selon l'Insee, sur les traitements perçus en 2009, "la rémunération nette annuelle des enseignants est inférieure de 35 % à celle d'un cadre non enseignant de la fonction publique". Selon l'OCDE, les salaires des profs français sont inférieurs à ceux de leurs homologues des pays de l'organisation en début et en milieu de carrière, et baissent depuis 1995.
Il faut aussi revoir les règles d'affectation des professeurs qui reposent sur l'application mécanique d'un barème de points attribués en fonction de différents critères (ancienneté, situation familiale...). Didier Migaud rappelle que la première affectation de deux tiers des enseignants se fait sur des postes de remplacement ou des postes difficiles pour lesquels, au contraire, "une solide expérience pédagogique et un recrutement sur profil seraient bien plus efficaces".
Enfin, la Cour des comptes recommande de mettre en place un "forfait annuel" intégrant les heures de cours à l'ensemble des activités des enseignants (travail en équipe pédagogique, accompagnement personnalisé des élèves...). "La répartition de ce temps de service doit pouvoir être modulée en fonction du type de poste occupé et des besoins locaux des élèves", précise Didier Migaud.
Reste à savoir si ces recommandations resteront ou non lettre morte. Car le ministre de l’Éducation, Vincent Peillon, a indiqué, dans un communiqué annexé au rapport, ne pas partager le constat sur la mauvaise utilisation des moyens existants.
"L'amélioration de la gestion des ressources humaines est indispensable, elle n'est pas pour autant suffisante à elle seule pour améliorer d'un point de vue pédagogique notre système éducatif et des créations de postes sont aujourd'hui nécessaires pour accomplir des missions que nous souhaitons réaffirmer", écrit ainsi Vincent Peillon.
Le ministre de l'Éducation nationale a annoncé en décembre l'ouverture d'une grande réflexion sur l'évolution du métier d'enseignant au second semestre de 2013.