Le secret des sources journalistiques a-t-il été malmené lors de l’affaire Cahuzac ? La réponse est oui, selon Mediapart. Ce mardi, lors de la première journée de travaux de la commission parlementaire chargée d’enquêter sur la gestion, par le gouvernement, de l’affaire impliquant l’ancien ministre du Budget, le fondateur de Mediapart, Edwy Plenel, a dénoncé "l'utilisation de l'administration policière pour porter atteinte au secret des sources"


Fabrice Arfi, journaliste du site d’information en ligne, a raconté devant les parlementaires qu’un message envoyé le 11 décembre par la chef de cabinet du ministre du Budget, Marie-Hélène Valente, faisait état de conversations téléphoniques entre Edwy Plenel et une source de l'affaire. Une preuve, selon lui, d’une étroite surveillance, par la police, des communications du fondateur de Mediapart. "La police a été mise en branle pour surveiller les rapports téléphoniques entre Edwy Plenel et l'un des protagonistes de l'affaire", a dénoncé le journaliste à l’origine des révélations.

"Tous ceux qui voulaient savoir pouvaient savoir"

Le journaliste a en revanche assuré n’avoir aucun élément sur une implication du ministre de l’Intérieur dans les écoutes visant Edwy Plenel. "Si un rapport du DDSP [Directeur départemental de la sécurité publique, NDLR] existe, il a sans doute remonté", a toutefois estimé Edwy Plenel, selon qui "beaucoup d'éléments étaient à la disposition des services de police".
"Tous ceux qui voulaient savoir, au cœur de la République, pouvaient savoir", a de nouveau affirmé Edwy Plenel, qui précise avoir, dès la mi-décembre, rencontré à leur demande "plusieurs responsables de cabinet de l'Élysée et de Matignon". Il a notamment affirmé s’être entretenu le 18 décembre avec des collaborateurs de François Hollande.
Évoquant ensuite l'attitude du ministre de l'Économie, Pierre Moscovici, le patron de Mediapart a déclaré: "Je ne dis pas que M. Moscovici a menti, je dis qu'il a mal travaillé", évoquant "deux hypothèses : amateurisme ou légèreté, ou, seconde hypothèse, une instrumentalisation".
"Un refus de voir la réalité de nos informations"
"Les questions posées à l'administration fiscale suisse sont objectivement de mauvaise foi. Quand on cherche un compte (...) on ne cherche pas seulement M. Cahuzac en tant qu'ayant droit, on cherche autour, on cherche le gestionnaire de fortune, on cherche Reyl qui est cité, pour avoir la vérité", a complété Fabrice Afri. Jérôme Cahuzac aurait, selon les médias suisses, transféré en 2009 son compte d'UBS à la banque Reyl en Suisse puis à la filiale singapourienne de cette banque.
"La question qui se pose à vous c'est comment, sur la foi des mêmes informations, Bercy obtient une réponse négative de la Suisse, tandis que la justice obtient une réponse positive", a-t-il ajouté devant les députés.
Mais pour les deux journalistes, cette affaire ne se résume pas à la responsabilité du seul ministre de l'Économie. "Cette affaire illustre le mauvais fonctionnement de notre démocratie. Un pouvoir exécutif tétanisé, un pouvoir législatif coalisé, puisque dans l'ensemble des familles politiques, il y a eu des refus de voir la réalité de nos informations, enfin un pouvoir judiciaire immobile", a conclu Edwy Plenel.
Pierre Moscovici mais aussi les ministres de l'Intérieur, Manuel Valls, et de la Justice, Christiane Taubira, ainsi que Jérôme Cahuzac doivent être entendus par la commission d’ici fin juillet.