À trois mois des élections législatives en Allemagne, le Parti social-démocrate (SPD), donné largement battu dans les sondages par les conservateurs de la CDU, profite d’une large publicité. Ce jeudi 23 mai, à Leipzig, la formation a, en effet, soufflé ses 150 bougies en présence du chef de l'État, Joachim Gauck, et de la chancelière Angela Merkel. Une présence qui s'explique par le caractère institutionnel et consensuel du rassemblement outre-Rhin. Signe du succès de cet anniversaire : quelque 80 représentants de partis du monde entier ont par ailleurs répondu présents à l'invitation. Également de la partie, le président François Hollande a été le seul chef d’État étranger à prendre la parole.
Pour le principal parti d’opposition allemand, l'événement a aussi été l’occasion de promouvoir un nouveau forum de discussions, qui ambitionne de rompre avec l’Internationale socialiste (IS), l'organisation regroupant les partis socialistes et sociaux-démocrates du monde entier depuis 1951. La veille des célébrations, le SPD a ainsi organisé une conférence au cours de laquelle il a annoncé la création de l’Alliance progressiste, présentée comme une sorte de valeur ajoutée de l’IS.
Plusieurs syndicats ont d’ores et déjà indiqué soutenir cette initiative. Le Parti démocrate américain, le Parti du Congrès indien et le Parti des travailleurs brésilien ont annoncé, pour leur part, leur intention de ne pas y adhérer formellement, précisant néanmoins qu’ils en suivraient les travaux.
"C'est un autre forum qui peut aider à nouer un dialogue avec des forces progressistes (...) qui partagent nos valeurs mais qui ne sont pas dans l'Internationale socialiste", a déclaré à l'AFP Harlem Désir, premier secrétaire du Parti socialiste français, en marge de la conférence. "Il doit être complémentaire de l'IS."
Pas de copinage avec les "despotes"
Toutefois, l’apparition de l'Alliance progressiste a été perçue par certains comme hostile à l’IS. Cette dernière, un temps présidée par l’Allemand Willy Brandt, est en effet régulièrement dans le collimateur du SPD. Ce dernier a d’ailleurs réduit de 95 % la contribution qu'il verse à l'organisation, où il ne jouit désormais plus que d'un statut d'observateur. Pour le parti allemand, la structure de gauche n’aurait pas lutté de façon substantielle contre les excès des marchés financiers, ni répondu de manière satisfaisante aux défis de la mondialisation.
Par ailleurs, Sigmar Gabriel, président du SPD, avait dénoncé dès 2011 une trop grande tolérance de l’IS, encline à accepter dans ses rangs des "despotes" comme le président du Nicaragua Daniel Ortega ou des représentants de chefs d’État tels que le Tunisien Zine El-Abidine Ben Ali, l’Égyptien Hosni Moubarak ou l’Ivoirien Laurent Gbagbo.
Pourtant, rien de très nouveau, comme le rappelle le journaliste Jean-Pierre Stroobants, dans les colonnes du "Monde" daté du 23 mai : "On peut s’étonner qu’il ait fallu tant de temps à des dirigeants socialistes pour s’émouvoir du fait que 'leur' Internationale ait abrité aussi longtemps ces personnalités controversées".
Une initiative qui "divise le mouvement mondial"
Face à cette prise de distance, le président de l’IS, le Grec Georges Papandréou, qui a boudé la cérémonie, ainsi que son secrétaire général, le Chilien Luis Ayala, n’ont pas manqué de s’offusquer : "Alors que la crise gronde en Europe et que nous souffrons toujours des conséquences de la morosité économique dans le monde, il est regrettable que la direction de nos membres allemands veuille diviser le mouvement mondial des forces progressistes au lieu de les unifier et de les renforcer", écrivent-ils dans une lettre publiée sur le site internet de la plateforme.
L’Alliance progressiste a d’ores et déjà prévu de tenir une réunion en octobre prochain à Stockholm, puis début 2014 en Tunisie.